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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

ractère même de l’individu ; quiconque n’en est originalement doué ne les devra jamais à la couverture de ses livres, ni à la coupe de ses formules.

« Il est accessible à tout scribe de maniérer des sentences, et ce n’est là qu’une sorte de calligraphie ; mais il lui sera toujours interdit d’écrire avec sens.

« Les pauvres gens, comme ils discutent ! Ils n’ont donc autour d’eux rien qui passionne leur existence ? ni chaleur d’amour ? ni haine, qui leur donne la colère, la transe ou le plaisir ?… puisqu’ils sont réduits à se repaître de tels soucis… C’est un pauvre mets en carton qu’une théorie ; c’est un plat qu’on laisse aux figurants de la vie en leur donnant à boire du vent dans des verres peints ; tandis que les vrais écrivains sont de vrais hommes dont le génie est né d’une ardeur et vit de s’épancher.

« Écrire, ce n’est pas un métier ; ce n’est pas un art ; ce n’est pas une science ; c’est… la Vie elle-même.

« Ce peut être douloureux, ce peut être sinistre ; ce n’est jamais… grave. La gravité n’est que le masque laid que s’impose l’homme d’étude ou de diplomatie qui veut éloigner tout contact et s’isoler dans sa recherche ou sa combinaison. Or, qu’y a-t-il à rechercher ou combiner pour écrire ?

« Du jour où le poil vous pousse, ne se sent-on pas un homme prêt à s’ébattre avec toute la force de ses instincts parmi les hommes ?