Page:Huxley - De la place de l'homme dans la nature.djvu/240

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
213
de l’homme et des animaux.

d’où dépend en si grande partie la possibilité de réaliser nos conceptions.

La forme du pied diffère considérablement de celle de la main, et toutefois si on les compare rigoureusement, on s’aperçoit qu’ils offrent quelques ressemblances singulières. Ainsi la cheville correspond au poignet, la plante à la paume, les orteils aux doigts, le gros orteil au pouce. Mais les orteils ou doigts du pied sont beaucoup plus petits que les doigts de la main et bien moins mobiles ; ce défaut est très-frappant dans le gros orteil qui, en outre, est, par rapport aux autres orteils, beaucoup plus gros que ne l’est le pouce par rapport aux doigts. Toutefois, en examinant ce point, n’oublions pas que le gros orteil civilisé, enfermé et comprimé depuis l’enfance, n’est point vu sous son jour le plus favorable, et que chez les peuplades non civilisées et qui marchent nu-pieds, il conserve une grande mobilité et même une sorte d’opposabilité. On dit que les bateliers chinois peuvent s’en servir pour ramer, les ouvriers du Bengale pour tisser et les Garajas pour voler les lignes des pêcheurs ; néanmoins, on doit se rappeler que la conformation des articulations et la disposition des os rendent nécessairement la préhension beaucoup moins parfaite avec le gros orteil qu’avec le pouce[1].

  1. Bory de Saint-Vincent a, le premier, rapporté le fait des résiniers des Landes, qui se cramponnent du pied gauche contre l’arbre d’où ils recueillent la résine. « Il en résulte, dit-il, que les pouces se contournent, deviennent exactement opposables et acquièrent une certaine facilité de mouvements qui fait que le résinier peut s’en servir pour arracher l’écorce, saisir l’instrument qui sert à entailler, remuer en tous sens et enfin aider à ramasser les plus petits objets… » (Loc. cit., p. 40). Bory avait employé un ouvrier résinier qui savait écrire avec ses pieds. M. Broca a cité le cas d’un homme « qui se servait de son pied comme d’une véritable main et de son orteil comme d’un pouce. » Il croit même se rappeler que cet homme de la sorte pouvait enfiler des aiguilles (Bulletins de la Soc. d’anthr. 1866, p. 55). (Trad.)