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HYPOTHÈSE DE L’ESPÈCE.

tronquée. C’est Cuvier qui semble lui avoir donné son plus haut degré de concision quand il a dit : « L’espèce est constituée par la réunion des individus descendus l’un de l’autre ou de parents communs, et de ceux qui leur ressemblent autant qu’ils se ressemblent entre eux[1]. »

De ces deux éléments, ressemblance et filiation, M. Gaussin, dans un excellent mémoire, lu récemment à la Société d’anthropologie, a déduit, ce qui me paraît être une conséquence plutôt qu’un troisième élément de la question, à savoir : la séparation des espèces en groupes bien distincts, sans intermédiaires, laissant entre eux de véritables lacunes organiques[2],

  1. Règne animal, I. Dans sa jeunesse, Cuvier était beaucoup moins spécifiste qu’il ne l’est devenu depuis. On lit dans une lettre adressée à son ami Pfaff et datée du 23 août 1790 : « Pourquoi donc trouves-tu Hunter si absurde de regarder le loup, le chien et le chacal comme de simples variétés ? Peut-être n’as-tu pas encore une idée bien nette de l’espèce (ce qui manque à la plupart des naturalistes). Voici ce que je pense à cet égard : les classes, les ordres, les genres sont de simples abstractions de l’homme, et rien de pareil n’existe dans la nature. » Plus loin, il soutient qu’il n’y a qu’un seul caractère certain et même infaillible pour reconnaître une espèce, c’est l’accouplement. (Lettres de G. Cuvier à C. M. Pfaff, trad. Louis Marchand, 1858, p. 178.)
  2. Bulletins de la Société d’anthropologie, 1860, p. 413.

    M. A. Sanson, dans son savant ouvrage sur l’Économie du bétail, a développé sur la race et l’espèce des propositions qu’il a présentées à la Société d’anthropologie, et qui ont été combattues par MM. Gaussin, de Mortillet et Lagneau. M. A. Sanson n’admet, des deux caractères de l’espèce, que celui de la reproduction indéfinie dans le temps (Bulletins cités, 1865, p. 96 et seq.). Pour lui, l’espèce est une abstraction dont les éléments réels sont les races, lesquels sont des variétés constantes, et leur constance se tire de deux caractères : les os du crâne et de face. Il n’y a donc en réalité que des races dans la nature, et toutes celles qui sont fécondes entre elles for-