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le quartier saint-séverin

d’antan, la rue Galande attire aussi par l’horrible vie qui l’anime, car elle est le permanent rendez-vous des vagabonds et des filles.

Elle est à peine sortie de la place Maubert qu’elle procrée une ruelle que le passage du boulevard Saint-Germain a réduite, la rue des Anglais, ainsi nommée parce que les écoliers de cette nation, qui possédaient un collège rue du Fouarre, y avaient installé leur résidence. Elle fut encore, si nous en croyons la Description de la Ville de Paris au quinzième siècle, par Guillebert de Metz, le quartier général des couteliers.

Aujourd’hui elle n’a plus aucun caractère et elle ne vaudrait même pas qu’on la citât, si elle ne détenait un réceptacle pour gobe-mouches du banditisme, le cabaret du Père Lunette.

Cet endroit, tant de fois décrit, avec sa devanture écarlate et ses besicles de bois pour enseigne, n’est plus qu’un décor dont les figurants sont de simples poivrots à l’affût du bienfaisant étranger qui leur distribuera du tabac et leur paiera un verre de vin, de vulnéraire, comme ils disent. La salle meublée de tables, de bancs et de tonnes, a des murs décorés de peintures saoules : une femme sans chemise posée sur un dos de poisson et à laquelle on tend une cuvette, puis Cassagnac qui la contemple, Gambetta dont l’œil foudroie avec des jets de lanterne, Plon-Plon les chausses défaites, Louise