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le quartier saint-séverin

la vieille, apaisée pour quelques minutes, se tait. D’autres se grattent ou s’invectivent dans une langue de bagne, tandis que les jeunes voyous les excitent. Mais ce ne sont là que des querelles sans portée, des amusettes de grand’mères et d’enfants, des liesses familiales. Il y a de tout, dans ce cabaret dont le plancher est un pavé de rue, de tout, sauf de vrais bandits. Ces femmes sont d’impénitentes gouapes, et ces gens qui déclament et qui chantent sont d’inaltérables pochards ; ils se régalent aux frais du passant et touchent encore d’autres profits, car ils cumulent le métier de souteneurs avec celui d’indicateurs de la police, de casseroles. On ne détrousse donc pas chez le Père Lunette les visiteurs ; on se borne à les exploiter et à leur laisser en échange des puces.

Quand on se chourine dans ce bouge, c’est entre soi ; on se saigne entre amis, mais ces scènes se font rares ; il faut généralement, pour qu’on s’assomme, qu’il y ait du sang de versé dans le quartier ; alors les fauves se réveillent chez ces brutes et chacun tire son os de mouton ou son surin ; l’assassinat commis dans un tapis-franc se répercute dans les autres ; le sang qui fume engendre des larves ; elles trépident dans la boue remuée de ces âmes, et sans cause apparente, dans toutes les étables de la paroisse, l’on se massacre.

Il y a de cela deux ou trois ans, ces carambolages de