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le quartier saint-séverin

semblent à des cabotines parées de verroteries, égarées dans un camp de galériennes.

Elles ont un air de suffisance et de défi qui justifierait le pillage des hordes voisines qu’elles décimèrent, la haine des vieux repaires qui les entourent.

Quant à la place même, si elle n’est plus agrémentée par des potences et fréquentée par des condamnés et des bourreaux, elle est actuellement occupée par des souteneurs qui devisent et fument comme de bons rentiers pendant le jour, et aussi par des négociants en mégots qui portent des musettes de soldat, en toile, sur des habits teints avec le jus délayé des macadams ; presque tous ont des barbes en mousse de pot-au-feu répandues autour de figures cuites ; presque tous sont d’opiniâtres pochards connus sous le nom des premiers métiers qu’ils exercèrent : le Notaire est un clerc qui a fini de grossoyer à Mazas, le Zouave est un ancien troupier mûri par les sels de cuivre des absinthes. La plupart sont des déclassés, vivant au jour le jour, du hasard des cueilles. Ils vendent deux catégories de marchandises : le tabac gros, c’est-à-dire les résidus de cigares et les fonds de pipes, et le tabac fin qu’ils fabriquent avec des bouts de cigarettes débarrassées de leurs papiers et de leurs cendres. Le tabac gros vaut de un franc à un franc vingt-cinq centimes ; le fin, de un franc cinquante à un franc soixante-quinze la livre ;