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Page:Huysmans - A Rebours, Crès, 1922.djvu/17

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attardais point ; le besoin de conclure ne me tentait pas ; la route tracée par Schopenhauer était carrossable et d’aspect varié, je m’y promenais tranquillement, sans désir d’en connaître le bout ; en ce temps-là, je n’avais aucune clarté réelle sur les échéances, aucune appréhension des dénouements ; les mystères du catéchisme me paraissaient enfantins ; comme tous les catholiques, du reste, j’ignorais parfaitement ma religion ; je ne me rendais pas compte que tout est mystère, que nous ne vivons que dans le mystère, que si le hasard existait, il serait encore plus mystérieux que la Providence. Je n’admettais pas la douleur infligée par un Dieu, je m’imaginais que le Pessimisme pouvait être le consolateur des âmes élevées. Quelle bêtise ! c’est cela qui était peu expérimental, peu document humain, pour me servir d’un terme cher au naturalisme. Jamais le Pessimisme n’a consolé et les malades de corps et les alités d’âme !

Je souris, alors qu’après tant d’années je relis les pages où ces théories, si résolument fausses, sont affirmées.

Mais ce qui me frappe le plus, en cette lecture, c’est ceci : tous les romans que j’ai écrits depuis À Rebours sont contenus en germe dans ce livre. Les chapitres ne sont, en effet, que les amorces des volumes qui les suivirent.

Le chapitre sur la littérature latine de la Décadence, je l’ai sinon développé, au moins plus approfondi, en traitant de la liturgie dans En route et dans L’Oblat. Je l’imprimerai, sans y rien changer aujourd’hui, sauf pour saint Ambroise dont je n’aime toujours pas la prose aqueuse et la rhétorique ampoulée. Il m’apparaît encore tel que je le qualifiais « d’ennuyeux Cicéron chrétien », mais, en revanche, le poète est charmant ; et ses hymnes et celles de son école qui figurent dans le Bréviaire sont parmi les plus belles qu’ait conservées l’Église, j’ajoute que la littérature un peu spéciale, il est vrai,