Page:Huysmans - A Rebours, Crès, 1922.djvu/190

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il se réfugia dans son cabinet de travail, pensant échapper plus facilement ainsi à la hantise de ces parfums.

Il ouvrit la croisée toute large, heureux de prendre un bain d’air ; mais, soudain, il lui parut que la brise soufflait un vague montant d’essence de bergamote avec laquelle se coalisait de l’esprit de jasmin, de cassie et de l’eau de rose. Il haleta, se demandant s’il n’était point décidément sous le joug d’une de ces possessions qu’on exorcisait au moyen âge. L’odeur changea et se transforma, tout en persistant. Une indécise senteur de teinture de tolu, de baume du Pérou, de safran, soudés par quelques gouttes d’ambre et de musc, s’élevait maintenant du village couché, au bas de la côte, et, subitement, la métamorphose s’opéra, ces bribes éparses se relièrent et, à nouveau, la frangipane, dont son odorat avait perçu les éléments et préparé l’analyse, fusa de la vallée de Fontenay jusqu’au fort, assaillant ses narines excédées, ébranlant encore ses nerfs rompus, le jetant dans une telle prostration qu’il s’affaissa évanoui, presque mourant, sur la barre d’appui de la fenêtre.