Page:Huysmans - A Rebours, Crès, 1922.djvu/214

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lettres épiscopales de l’ancienne maison Le Clerc, les œuvres de Baudelaire dans un large format rappelant celui des missels, sur un feutre très léger du Japon, spongieux, doux comme une moelle de sureau et imperceptiblement teinté, dans sa blancheur laiteuse, d’un peu de rose. Cette édition tirée à un exemplaire d’un noir velouté d’encre de Chine, avait été vêtue en dehors et recouverte en dedans d’une mirifique et authentique peau de truie choisie entre mille, couleur chair, toute piquetée à la place de ses poils et ornée de dentelles noires au fer froid, miraculeusement assorties par un grand artiste.

Ce jour-là, des Esseintes ôta cet incomparable livre de ses rayons et il le palpait dévotement, relisant certaines pièces qui lui semblaient, dans ce simple mais inestimable cadre, plus pénétrantes que de coutume.

Son admiration pour cet écrivain était sans borne. Selon lui, en littérature, on s’était jusqu’alors borné à explorer les superficies de l’âme ou à pénétrer dans ses souterrains accessibles et éclairés, relevant, çà et là, les gisements des péchés capitaux, étudiant leurs filons, leur croissance, notant, ainsi que Balzac, par exemple, les stratifications de l’âme possédée par la monomanie d’une passion, par l’ambition, par l’avarice, par la bêtise paternelle, par l’amour sénile.

C’était, au demeurant, l’excellente santé des vertus et des vices, le tranquille agissement des cervelles communément conformées, la réalité pratique des