Page:Huysmans - A Rebours, Crès, 1922.djvu/220

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œuvres de génie, les misérables bavardages de ces femmes.

Des Esseintes avait eu la curiosité de lire parmi ces œuvres, celles de madame Swetchine, cette générale russe, dont la maison fut, à Paris, recherchée par les plus fervents des catholiques ; elles avaient dégagé pour lui un inaltérable et un accablant ennui ; elles étaient plus que mauvaises, elles étaient quelconques ; cela donnait l’idée d’un écho retenu dans une petite chapelle où tout un monde gourmé et confit, marmottait ses prières, se demandait, à voix basse, de ses nouvelles, se répétait, d’un air mystérieux et profond, quelques lieux communs sur la politique, sur les prévisions du baromètre, sur l’état actuel de l’atmosphère.

Mais il y avait pis : une lauréate brevetée de l’Institut, madame Augustus Craven, l’auteur du Récit d’une sœur, d’une Éliane, d’un Fleurange, soutenus à grand renfort de serpent et d’orgue, par la presse apostolique tout entière. Jamais, non, jamais des Esseintes n’avait imaginé qu’on pût écrire de pareilles insignifiances. Ces livres étaient, au point de vue de la conception, d’une telle nigauderie et ils étaient écrits dans une langue si nauséeuse, qu’ils en devenaient presque personnels, presque rares.

Du reste, ce n’était point parmi les femmes que des Esseintes, qui avait l’âme peu fraîche et qui était peu sentimental de sa nature, pouvait rencontrer un retrait littéraire adapté suivant ses goûts.