Page:Huysmans - A Rebours, Crès, 1922.djvu/254

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et des perturbations nerveuses intenses ; il avait dû, tout aussitôt, renoncer à les absorber et, sans le secours de ces grossiers excitants, demander à sa cervelle seule, de l’emporter loin de la vie, dans les rêves.

Quelle journée ! se disait-il, maintenant, s’épongeant le cou, sentant ce qui pouvait lui rester de forces, se dissoudre en de nouvelles sueurs ; une agitation fébrile l’empêchait encore de demeurer en place ; une fois de plus, il errait au travers de ses pièces, essayant, les uns après les autres, tous les sièges. De guerre lasse, il finit par s’abattre devant son bureau et, appuyé sur la table, machinalement, sans songer à rien, il mania un astrolabe placé, en guise de presse-papier, sur un amas de livres et de notes.

Il avait acheté cet instrument en cuivre gravé et doré, d’origine allemande et datant du dix-septième siècle, chez un brocanteur de Paris, après une visite au Musée de Cluny, où longuement il s’était pâmé devant un merveilleux astrolabe, en ivoire ciselé, dont l’allure cabalistique l’avait ravi.

Ce presse-papier remua, en lui, tout un essaim de réminiscences. Déterminée et mue par l’aspect de ce joyau, sa pensée partit de Fontenay, pour Paris, chez le bric-à-brac qui l’avait vendu, puis rétrograda jusqu’au Musée des Thermes et, mentalement, il revit l’astrolabe d’ivoire, alors que ses yeux continuaient à considérer, mais sans plus le voir, l’astrolabe de cuivre, sur sa table.