Page:Huysmans - A Rebours, Crès, 1922.djvu/274

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dépravations tellement monstrueuses qu’elles deviendraient, aussitôt accomplies, irrésistibles ; ou bien, si elle s’élançait, elle-même, dans le rêve, dans un rêve immaculé, où l’adoration de l’âme flotterait autour d’elle, à l’état continuellement inavoué, continuellement pur.

D’autres poètes l’incitaient encore à se confier à eux, Tristan Corbière, qui, en 1873, dans l’indifférence générale, avait lancé un volume des plus excentriques, intitulé : Les Amours jaunes. Des Esseintes qui, en haine du banal et du commun, eût accepté les folies les plus appuyées, les extravagances les plus baroques, vivait de légères heures avec ce livre où le cocasse se mêlait à une énergie désordonnée, où des vers déconcertants éclataient dans des poèmes d’une parfaite obscurité, telles que les litanies du Sommeil, qu’il qualifiait, à un certain moment, d’

Obscène confesseur des dévotes mort-nées.
C’était à peine français, l’auteur parlait nègre, procédait par un langage de télégramme, abusait des suppressions de verbes, affectait une gouaillerie, se livrait à des quolibets de commis-voyageur insupportable, puis tout à coup, dans ce fouillis, se tortillaient des concetti falots, des minauderies interlopes, et soudain jaillissait un cri de douleur aiguë, comme une corde de violoncelle qui se brise. Avec cela, dans ce style rocailleux, sec, décharné à plaisir, hérissé de vocables