Page:Huysmans - A Rebours, Crès, 1922.djvu/282

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distinctement réfléchi le tableau du mari qui brandissait, au bout du bras, la tête coupée de l’amant, en hurlant, tel qu’un Canaque, un chant de guerre.

Basé sur cette observation plus ou moins juste que les yeux de certains animaux, des bœufs, par exemple, conservent jusqu’à la décomposition, de même que des plaques photographiques, l’image des êtres et des choses situés, au moment où ils expiraient, sous leur dernier regard, ce conte dérivait évidemment de ceux d’Edgar Poë, dont il s’appropriait la discussion pointilleuse et l’épouvante.

Il en était de même de l’« Intersigne » qui avait été plus tard réuni aux Contes cruels, un recueil d’un indiscutable talent, dans lequel se trouvait « Véra », une nouvelle, que des Esseintes considérait ainsi qu’un petit chef-d’œuvre.

Ici, l’hallucination était empreinte d’une tendresse exquise ; ce n’était plus les ténébreux mirages de l’auteur américain, c’était une vision tiède et fluide, presque céleste ; c’était, dans un genre identique, le contre-pied des Béatrice et des Ligeia, ces mornes et blancs fantômes engendrés par l’inexorable cauchemar du noir opium !

Cette nouvelle mettait aussi en jeu les opérations de la volonté, mais elle ne traitait plus de ses affaiblissements et de ses défaites, sous l’effet de la peur ; elle étudiait, au contraire, ses exaltations, sous l’impulsion d’une conviction tournée à l’idée fixe ; elle démontrait