Page:Huysmans - A Rebours, Crès, 1922.djvu/49

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bien inutile de recourir à cette couleur, puisqu’en s’ingérant de la santonine, à certaine dose, l’on voit violet et qu’il est dès lors facile de se changer, et sans y toucher, la teinte de ses tentures.

Ces couleurs écartées, trois demeuraient seulement : le rouge, l’orangé, le jaune.

À toutes, il préférait l’orangé, confirmant ainsi par son propre exemple, la vérité d’une théorie qu’il déclarait d’une exactitude presque mathématique : à savoir, qu’une harmonie existe entre la nature sensuelle d’un individu vraiment artiste et la couleur que ses yeux voient d’une façon plus spéciale et plus vive.

En négligeant, en effet, le commun des hommes dont les grossières rétines ne perçoivent ni la cadence propre à chacune des couleurs, ni le charme mystérieux de leurs dégradations et de leurs nuances ; en négligeant aussi ces yeux bourgeois, insensibles à la pompe et à la victoire des teintes vibrantes et fortes ; en ne conservant plus alors que les gens aux pupilles raffinées, exercées par la littérature et par l’art, il lui semblait certain que l’œil de celui d’entre eux qui rêve d’idéal, qui réclame des illusions, sollicite des voiles dans le coucher, est généralement caressé par le bleu et ses dérivés, tels que le mauve, le lilas, le gris de perle, pourvu toutefois qu’ils demeurent attendris et ne dépassent pas la lisière où il aliènent leur personnalité et se transforment en de purs violets, en de francs gris.