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Page:Huysmans - Certains, 1908.djvu/154

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CERTAINS

des heures de trouble, la Douve, cette feuille de myrte qui se recroqueville, coule, se reprend, titille dans le foie lacéré des vieux moutons ; quel poète, en quête de monstres, découvrirait le Dracunculus, le Ver de Médine, qui, près du Gange, habite le tissu cellulaire des pieds et se love dans le pus des abcès qu’il forme ; quel homme enfin imaginerait cette cohue de substance qui remue des têtes en hémisphère, armées de crochets et de pinces, éclairées d’yeux taillés à facettes ou exhaussés en dôme, cette cohue sinistre et féroce de lacets annelés, de fils tubicoles, d’oxyures, d’ascarides, d’asticots, qui campent et vermillent dans les routes effondrées des ventres ?

Il y a donc là un nouveau point de départ, presqu’une issue neuve ; elle paraît avoir été découverte par le seul peintre qui soit maintenant épris du fantastique, par M. Odilon Redon. Il a, en effet, tenté pour fabriquer ses monstres d’emprunter au monde onduleux et fluent, aux districts des imperceptibles agrandis par les projections et plus terrifiants alors que les fauves exagérés des vieux maures, le prodigieux effroi de leurs grouillements.