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CERTAINS

nefs, une galerie s’élançant sur des jets d’arceaux, décrivant comme un plein cintre brisé, comme une exorbitante ogive qui rejoint sous le ciel infini des vitres ses vertigineuses pointes, et, dans cet espace formidable, dans tout ce vide, rapetissées, devenues quasi naines, les énormes machines malheureusement trop banales dont les pistons semblent paillarder, dont les roues volent.

La forme de cette salle est empruntée à l’art gothique, mais elle est éclatée, agrandie, folle, impossible à réaliser avec la pierre, originale avec les pieds en calice de ses grands arcs.

Le soir, alors que les lampes Edison s’allument, la galerie s’allonge encore et s’illimite ; le phare situé, au centre, apparaît ainsi qu’une ruche de verre pointillée de feux ; des étoiles fourmillent, piquent le cristal dont les tailles brûlent avec les flammes bleues des soufres, rouges des sarments, lilas et orangé des gaz, vertes des torches à catafalques ; l’électricien braque ses lentilles, darde des pinceaux de poussière lumineuse sous le ciel vitré qui se mue en une nappe d’eau. Des ruisseaux de pierres fines semblent alors couler dans un rayon de lune et les lueurs du prisme surgissent, se promènent autour de la salle