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Page:Huysmans - Certains, 1908.djvu/210

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CERTAINS

sés dans des tombes ouvertes, relégués dans une salle du Louvre, veillés par un gardien qui gisait, hébété d’ennui, sur une banquette toujours neuve ; quelques-uns enfin avaient été ensevelis on ne savait où et l’on pouvait espérer qu’aucun obituaire n’avait conservé leurs noms.

De bureaucratiques ambitions les ont retrouvés, — et l’heure de l’injustice a sonné pour eux, car on va les respecter et le public visite déjà, d’un air recueilli, ce gibet de toiles pendues, plein de Romains en bois et de paysages de famille fabriqués avec des cheveux. Mais dans cette promiscuité de morgue une oeuvre resplendit dont le comique furieux vous crispe, un tableau de Guérin, une offrande à Esculape, ainsi assemblée : un trépied, surmonté du buste cher aux pharmacies, devant lequel un vieillard frisotté se gratte, alors que deux statues de jeunes gens avancent une jambe et tendent un bras. Il va sans dire que ces jeunes gens sont nus le plus qu’ils peuvent et qu’une jeune fille accroupie devant eux est habillée de tuyaux d’orgues qui lui remontent la taille sous les bras, et lui coussinent le menton par l’appui des seins. Cette