Page:Huysmans - Certains, 1908.djvu/213

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
209
LA SALLE DES ÉTATS AU LOUVRE

une concorde admirable de tons, un autodafé aux sels crépitants, sonore et clair, un hallali de flammes de couleurs, sur un fond d’océan et de ciel d’un splendide bleu !

Il faut bien le dire, surtout après la malencontreuse exhibition d’une trop copieuse fournée de Delacroix qu’on nous servit, pêle-mêle, dans la galerie des Beaux- Arts, ce peintre n’a pas toujours été aussi vibrant et aussi ferme. Artiste inégal et saccadé, Rubens dégraissé et affiné par les névroses, débarrassé du gros côté d’art peuple et de peinture bouchère que posséda, malgré son prodigieux talent, le diplomate sanguin d’Anvers, Delacroix a la grâce des maladies qui se terminent et des santés qui reviennent. Rien en lui du train-train coutumier, de la vie assise, du retiré du commerce de l’art sage, mais des sursauts, des exultations, des cabrements de nerfs mal dominés sautant quand même par dessus l’étisie et la mâtant ; par contre, c’est aussi un casse-cou perpétuel, un hasard de migraine, une chance de réveil, et si la déveine d’une passagère dysénergie de la vue s’en mêle, tout rate et il devient singulièrement inférieur ; sa fougue qu’il s’efforce de fouet-