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Page:Huysmans - Certains, 1908.djvu/226

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CERTAINS

peut être celui de l’homme qui, réfugié dans le désert de Subiaco, râlait d’angoisses et consumait les abois de sa chair, en la roulant sur les vertes braises des orties et des ronces.

L’on conçoit également son sourire hautain et navré. Le pli de sa bouche dure rappelle, en effet, l’écrasante tâche qu’assuma ce Directeur d’un contentieux divin, ce Gérant des dépendances terrestres du ciel, ce Régisseur du bienfonds des âmes. Le sourire mort de ses lèvres s’explique aussi lorsqu’on se souvient des haines qui l’assaillirent, des attentats surtout de ce prêtre qui voulut l’empoisonner et s’efforça de pervertir ses moines en prière, par la vue de filles dont les pâles nudités s’ouvraient en de séditieuses danses, dans le jardin même du monastère qu’il avait fondé.

La complexe expression de ce visage se comprend donc ; mais comment définir la troublante figure du saint Quentin, un éphèbe au sexe indécis, un hybride à la beauté mystérieuse, aux longs cheveux bruns séparés par une raie au milieu du front, et coulant à flots sur sa gorge corsetée de fer. N’étaient les pieds qui, au lieu d’être insérés dans les pédaliers d’armure, sont