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Page:Huysmans - Certains, 1908.djvu/24

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CERTAINS

trêmes, montaient à la tête et grisaient la vue qui titubait, abasourdie, sans les voir, le long des maisons neuves.

À la réflexion, alors qu’on se promenait, que l’œil rasséréné regardait, voyait cette honte du goût moderne, la rue ; ces boulevards sur lesquels végètent des arbres orthopédiquement corsetés de fer et comprimés par les bandagistes des ponts et chaussées, dans des roues de fonte ; ces chaussées secouées par d’énormes omnibus et par des voitures de réclame ignobles ; ces trottoirs remplis d’une hideuse foule en quête d’argent, de femmes dégradées par les gésines, abêties par d’affreux négoces, d’hommes lisant des journaux infâmes ou songeant à des fornications et à des dols le long de boutiques d’où les épient pour les dépouiller, les forbans patentés des commerces et des banques, l’on comprenait mieux encore cette œuvre de Gustave Moreau, indépendante d’un temps, fuyant dans les au delà, planant dans le rêve, loin des excrémentielles idées, sécrétées par tout un peuple.

Et en effet, quand le moment est définitivement venu où l’argent est le Saint des Saints devant lequel toute une humanité, à plat ventre,