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Page:Huysmans - Certains, 1908.djvu/59

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CHÉRET

ventre et se le tambourinait, pâmé, avec ses poings ; un petit trottin, un carton dans chaque main, ricanait d’un rire sournois, avec des lèvres mauvaises et des yeux pinces, un concierge pilait du poivre à force de s’esclaffer, une femme s’extravasait, la jambe en l’air, tandis qu’une petite fille, assise, les jambes écartées, les bras au ciel, éclatait en de jubilants cris ; M. Chéret avait noté toute une série de rires, et très finement observé la qualité de l’esprit et l’aloi de gaieté de tous ces gens.

Mais, parmi les innombrables affiches dans lesquelles il a raconté le rire, nulle ne fut plus surprenante que cet immense placard qu’il a peint pour l’Hippodrome, un Cadet-Roussel, à cheval, vêtu d’un costume d’incroyable, d’un pantalon à pont, d’un gilet à revers jaune serin, d’un habit noir, d’une cravate à goître et de bas chinés ; ce vieillard avec sa bouche ouverte jusqu’aux oreilles, débusquait ses gencives, pompait un nez montueux sur des pommettes roses, s’auréolait comme d’un nimbe de feu, avec le fond d’un parapluie de pourpre ; le cheval lancé au galop en pleine piste, l’homme débonnaire et jovial, de carrure superbe, exubéraient de vie !