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Page:Huysmans - Certains, 1908.djvu/72

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CERTAINS

tout, aux extrêmes confins de la peinture qui semblait s’évaporer en d’invisibles fumées de couleurs, sur ces légères toiles.

En 1884, l’artiste revient avec deux portraits, celui « de miss Alexander » et de « Carlyle. » L’historien qui eut la bonne foi d’avouer qu’au fond il n’y avait pas d’histoire véritable et qui a quelque part écrit cette décisive phrase : « L’on devrait bien élever des autels à la solitude et au silence, » est assis de profil, la redingote noire, bouffante, le chapeau placé sur les genoux. Cette figure triste, un peu bourrue, avec sa barbe poivre et sel, respire et médite, lentement résume ; c’est un portrait qui pénètre sous la peau, met sur la physionomie du personnage un reflet des pensées qui l’habitent ; c’est un portrait d’âme ouverte, mais si étonnant qu’il puisse être, celui de miss Alexander me paraît plus admirable encore.

Imaginez une petite fille, d’un blond cendré, vêtue de blanc, tenant, à la main, un feutre gris empanaché d’une plume et s’enlevant sur un panneau d’un gris ambré appuyé par le noir pur d’une plinthe ; une blondine, aristocratique et anémiée, cavalière et douce, une infante anglaise