Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/102

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Telle qu’elle existe encore, cette rue est la négation de l’ennuyeuse symétrie, l’opposé du banal alignement des grandes voies neuves. Tout va de guingois chez elle ; ni moellons, ni briques, ni pierres, mais de chaque côté, bordant le chemin sans pavé creusé d’une rigole au centre, des bois de bateaux, marbrés de vert par la mousse et plaqués d’or bruni par le goudron, allongent une palissade qui se renverse, entraînant toute une grappe de lierres, emmenant presque avec elle la porte visiblement achetée dans un lot de démolitions et ornée de moulures dont le gris encore tendre perce sous la couche de hâle déposée par des attouchements de mains sucessivement sales.

C’est à peine si la maisonnette à un étage perce sous sa cannetille de vigne vierge dans un fouillis de valérianes, de roses trémières et de grands soleils dont les têtes d’or se dépouillent et montrent de noires calvities, pareilles aux ronds des cibles.

Puis, c’est invariablement derrière la haie des planches un réservoir en zinc, deux poiriers reliés par des ficelles, pour le linge et un bout de potager avec des courges aux fleurs d’un jaune clair, des carrés d’oseille et de choux que dentellent et quadrillent avec leurs ombres des vernis du Japon et des peupliers.

Et la rue va ainsi, laissant à peine entrevoir par de vertes éclaircies des bouts de toits violets et