Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/126

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mélancoliques et abêtis, des gentlemen râpés, grelottant sous leurs minces habits de plumes noires.

Un peu plus haut, ce cimetière de volatiles se complète encore d’un lot de bêtes qui ont dû traîner à la salle des ventes, d’un paquet acheté dans une faillite, de choucas et de corneilles, plus aimables et plus mondains, regardant dégoûtés leur voisinage, une société de vieux milans, désossés et bougons, se prélassant dans leurs loques mangées aux mites, un clan de faucons aux allures de chenapans et de matamores, de busards aux grimaces de grincheux et de pète-sec.

Et le patron de cet établissement, l’inventeur de ce café-museum, semble avoir été poursuivi par une idée fixe ; non content d’avoir bourré ses armoires de carcasses d’oiseaux conservés dans des aromates et dans du camphre, il a encore décoré ses fenêtres de stores jaunes pareils à du sparadrap dégommé, arborant, par hasard sans doute, les armes de la ville de La Haye : une cigogne tenant un serpent dans le bec ; il a enroulé autour des colonnes de son estaminet des pythons vernissés et gonflés d’étoupe, tapissé son plafond de vagues esturgeons fixés à des crochets, de grands poissons plats, semblables à d’énormes peignes et enfin, comme œuvre de choix, d’un vieux crocodile, les pattes écartées, la gueule ouverte, retapée avec du cuir de bottes, sans bouts de chicots ni dents, envahie par une armée