Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/135

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

L’ÉTIAGE

DANS une boutique, rue Legendre, aux Batignolles, toute une série de bustes de femmes, sans têtes et sans jambes, avec des patères de rideaux à la place des bras et une peau de percaline d’une couleur absolue, bis sec, rose cru, noir dru, s’aligne en rang d’oignons, empalée sur des tiges ou posée sur des tables.

On songe tout d’abord à une morgue où des torses de cadavres décapités seraient debout ; mais bientôt l’horreur de ces corps amputés s’efface et de suggestives réflexions vous viennent, car ce charme subsidiaire de la femme, la gorge, s’étale fidèlement reproduit par les parfaits couturiers qui ont bâti ces bustes.

Ici, ce sont les poitrines anguleuses des garçonnes, les petites cloques perlées d’une goutte de vin rose, les mignonnes ampoules percées de pointes naines.

Et ces pubertés en pousse éveillent en nous la