Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/153

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CAUCHEMAR

CE fut tout d’abord une énigmatique figure, douloureuse et hautaine qui surgit des ténèbres, çà et là percées par des rais de jour : — une tête de mage de la Chaldée, de roi d’Assyrie, de vieux Sennachérib ressuscité, regardant, désolé et pensif, couler le fleuve des âges, le fleuve toujours grossi par les emphatiques flots de la sottise humaine.

Il pose sur ses lèvres une main fine et maigre, semblable à la main fuselée d’une petite infante, et il ouvre un œil où semblent passer les éternelles douleurs qui se transmettent et se répercutent dans l’âme des couples, depuis la Genèse. Est-ce le primitif pasteur d’hommes contemplant le défilé des immortels troupeaux qui se bousculent et se massacrent pour une touffe d’herbe ou un bout de pain ? — Est-ce la figure de l’immémoriale Mélancolie qui convient enfin, devant l’impuissance avérée de la