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L’OUVERTURE DE TANNHÆUSER

succombe. Inondé d’ineffables promesses et d’ardents souffles, il tombe, délirant, dans les bras des polluantes Nuées qui l’enlacent ; sa personnalité mélodique s’efface sous l’hymne triomphant du Mal. — Puis la tempête de la chair qui rugit, les éclairs cendrés et les jets électriques qui grondent dans l’orchestre s’apaisent ; l’incomparable éclat de ces grands cuivres qui semblent une transposition des aveuglantes pourpres et des somptueux ors s’affaissent ; — et un susurrement d’une ténuité délicieuse, un frôlement presque deviné de sons adorablement bleus et aériennement roses, frissonne dans l’éther nocturne qui déjà s’éclaire. — Puis l’aube apparaît, le ciel hésitant blanchit comme peint avec des sons blancs de harpe, se teint de couleurs encore tâtonnantes qui peu à peu se décident et resplendissent dans le magnifique alléluia, dans la fracassante splendeur des timbales et des cuivres. Le soleil surgit, s’évase en gerbe, crève l’horizon dont la barre s’élargit et monte ainsi que du fond d’un lac dont la moire fulmine sous les rayons qu’elle répercute. Au loin, plane le cantique intercédant, le cantique fidèle des pèlerins, détergeant les dernières plaies de l’âme épuisée par la diabolique lutte ; — et, dans une apothéose de clarté, dans une gloire de Rédemption, la Matière et l’Esprit s’élancent, le Mal et le Bien se lient, la Luxure et la Pureté se nouent avec les deux motifs qui serpentent, mêlant