Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/221

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Là, pas d’appels bruyants, pas de cris ; les servantes consultaient les clients à voix basse. Mais si aucune de ces dames, aucun de ces messieurs, n’échangeait un propos, tous du moins se saluaient gracieusement, en entrant et en sortant, et ils apportaient des habitudes de salon dans cette gargote.

« Je suis encore plus heureux que tout ce monde-là, se disait M. Folantin. Eux, regrettent peut-être des enfants, des femmes, une fortune perdue, une vie jadis debout et maintenant par terre. »

À force de plaindre les autres, il finit par se moins plaindre ; il rentrait chez lui et pensait tout de même que ses détresses étaient bien creuses et ses misères bien peu profondes. « Combien d’individus, à l’heure qu’il est, arpentent le pavé, sans gîte ; combien envieraient mon grand fauteuil, mon feu, mon paquet de tabac où je peux puiser à ma fantaisie ! » et il activait les flammes de la cheminée, rôtissait ses pantoufles, confectionnait des grogs dorés et chauds. « S’il paraissait en librairie des livres réellement artistes, la vie serait, en somme, très supportable », concluait-il.

Plusieurs semaines s’écoulèrent ainsi, et son collègue de bureau déclara que M. Folantin rajeunissait. Il causait maintenant, écoutait avec une patience angélique tous les papotages, s’intéressait même aux infirmités de son copain ; puis, avec le