Aller au contenu

Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/237

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vant la boutique de la pâtissière, qu’il ne jugeait plus si gentille, et il regardait de côté, ne souhaitant plus du tout, à l’heure présente, la prospérité de ses affaires.

Il eut recours aux œufs durs. Il en achetait chaque jour, redoutant, pour le soir, un dîner impossible. Et quotidiennement il se bourra de salades ; mais les œufs putridaient, la fruitière lui vendant, en sa qualité d’homme qui ne s’y connaissait pas, les œufs les plus avariés de sa boutique.

« Tâchons d’atteindre le printemps » , se disait M. Folantin pour se remonter ; mais, de semaine en semaine, son énergie se désarmait, en même temps que son corps, déplorablement nourri, criait famine. Sa gaieté s’effondra ; son intérieur se rembrunit ; le cortège des anciennes détresses cerna de nouveau son existence désœuvré. « Si j’avais une passion quelconque ; si j’aimais les femmes, le bureau, si j’aimais le café, le domino, les cartes, je pourrais bouffer au-dehors, ruminait-il, car je ne resterais jamais chez moi. Mais hélas ! rien ne me divertit, rien ne m’intéresse ; et puis mon estomac se détraque ! Ah ! Ce n’est pas pour dire, mais les gens qui ont dans leur poche de quoi s’alimenter et qui ne peuvent cependant manger, faute d’appétit, sont tout aussi à plaindre que les malheureux qui n’ont pas le sou pour apaiser leur faim ! »