Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/301

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en Cour d’assises ; ajouta, du reste, qu’elle se fichait, comme de Colin-Tampon, de la police, des prisons, des juges, divagua pendant dix bonnes minutes, excitée par M. Ballot qui, ne voyant aucun profit à tirer de cette affaire, s’amusait pour son propre compte, très sympathique au fond à ce notaire de province dont il appréciait, en connaisseur, l’adroit dilemme.

Quant à Sophie, elle demeurait immobile, clouée debout, les yeux fixes. Depuis le matin, cette pensée qu’elle allait rôder, sans argent, sans domicile, jetée comme un chien dehors, s’était émoussée ; à cette souffrance précise et aiguë, avait succédé une désolation vague presque douce ; elle dormait tout éveillée, incapable de réagir contre cet alanguissement qui la berçait. Elle ne pleurait plus, se résignait, s’abandonnait a Mme  Champagne, remettant son sort entre ses mains, se désintéressant même de sa propre personne, s’apitoyant avec la papetière sur le malheur d’une femme qui la touchait de très près, mais qui n’était plus absolument elle.

Ne comprenant pas cet amollissement, cette indifférence hébétée, qui résulte de l’excès même des larmes, Mme  Champagne s’agaça.

— Mais remue-toi donc, dit-elle ; joue donc pas ainsi les chiffes ! — usant, dans cette exclamation, son reste de colère ; puis elle se remit un peu et,