Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/307

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toujours son linge sale, en caisse, chez son père, elle avait dû porter les chaussettes et les chemises d’homme pour les salir avant de les expédier à la campagne ; ce subterfuge avait d’abord réussi, mais bientôt M. Lambois surpris de ne plus recevoir de lettres régulières de son fils, s’était plaint ; le malade avait réuni ses forces pour gribouiller quelques lignes dont la divagante incertitude changeait en alarme l’étonnement du père ; d’autre part, le médecin, jugeant son client perdu, avait cru nécessaire de prévenir la famille et M. Lambois était aussitôt arrivé.

Elle s’était renfermée dans la cuisine, se bornant à un rôle effacé de bonne, préparant les tisanes, ne desserrant pas les lèvres, affectant, malgré les sanglots qui lui montaient dans la gorge, l’indifférence d’une domestique contemporaine devant le moribond qu’elle mangeait de caresses, dès que le père retournait à son hôtel.

Mais, si bonasse, si simple qu’elle fût, elle comprenait bien, tout en ignorant les aveux et les recommandations du médecin au père, que celuici n’était point dupe de son manège. Au reste, mille détails trahissaient le concubinage dans ce logement : le matelas enlevé du lit et installé sur le parquet de la salle à manger, le logis dénué de chambre de bonne, l’unique cuvette, les deux brosses à dents dans le même verre, le seul pot de pommade, en