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Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/57

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grenues de femmes retentirent. Un soldat malade, ramené par ses camarades, s’affaissa sur une banquette, la face décomposée, infectant la vinasse aigre et l’ammoniaque ; une fille pocharde s’endormit devant son plat de choucroute que picorait lentement un riz-pain-sel.

Bientôt, dans la soûlerie de ce Satory en fête, des vociférations commencèrent. Les colères de l’esprit de corps, les instincts de querelles, les désirs de brutalités, les souffles de batailles s’éveillèrent ; des disputes s’échangèrent à une table d’abord, puis se propagèrent à toutes les autres. Déjà, un cuirassier, debout, vu de derrière, les bras retenus par des amis moins ivres, insultait un soldat assis qu’on me voyait point, tandis que, derrière un billard, la pêche de Grenelle se menaçait d’une voix traînante de coups de couteaux, à la sortie du bal.

— Ça devient ignoble, allons, allons, filons pendant que le chemin est libre, commanda Mme Haumont.

Ça devenait, en effet, ignoble, et j’avais suffisamment humé la pestilence militaire et le suint charnel pour ardemment désirer de cordiales bouffées d’air silencieux et pur. Je fis comme ces braves dames dont j’avais scrupuleusement épié les dits et les gestes, je sortis.