Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/63

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et d’un commun accord, à descendre à la suite l’un de l’autre, et à tourner au même coin de rue. Ah ! à défaut de la voix et du geste, quelle phrase ardente ou rêveuse peut exprimer une jambe qui s’approche furtive, frôle celle de la voisine comme une chatte amoureuse qui caresse et fait son ronron, se retire un peu sentant l’autre se dérober à son étreinte, revient et trouvant la résistance moins vive, se hasarde à serrer doucement le pied !

Que de souvenirs de jeunesse, hein, conducteur ? te rappelles-tu tes jeunes années avant qu’un monsieur bien mis et l’abdomen ceint d’une écharpe, t’ait, au nom de la loi, uni par des liens indissolubles, à la tourmente de ta vie, à ta Mélanie de malheur ! ah ! tu as le temps de penser à cette gothon qui te bouscule, te fait manger froid et te traite de propre à rien et de feignant, si tu as bu le divin reginglat à coups plus pressés que de coutume !

S’il y avait seulement moyen de divorcer et d’en reprendre une autre, d’être comme Machut qui est si heureux en ménage, la vie serait moins dure, la marmaille mieux élevée et mieux nourrie, on supporterait moins impatiemment les reproches de ses chefs ; et le mari déçu contemple une apprentie modiste en train de regarder, au fond de la voiture, au travers des vitres et par-dessus la croupe galopante des chevaux, le fourmillement de la rue. Elle a l’air doux, cette petite, elle a encore les mains