Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/133

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des tables de bois noir, à casiers, des chaises de canne, des corbeilles, des cuvettes et des carafes, des cabriolets pleins de fiches, des amas de dossiers énormes. Il avait en face de lui, juste, deux employés enfermés dans la même pièce, l’un dont on apercevait le profil joufflu, l’autre qui voûtait un dos dont l’échine saillait. Puis, une tache blanche entrevue au fond du bureau, derrière les vitres de la croisée, disparaissait, ouvrant un jour sur une autre pièce et des gens entraient, des papiers à la main, bavardaient, s’asseyaient sur des coins de table puis partant, ils déplaçaient et remettaient de nouveau la tache blanche en place.

Ce mic-mac intéressa André. Il commençait à connaître les habitudes de ses deux voisins. L’un d’eux, un homme de cinquante ans environ, l’air minable et bénin, venait tôt, changeait de bottines et d’habit, s’installait longuement, disposait en bon ordre ses crayons et ses plumes, lisait le Petit Journal jusqu’aux annonces, mangeait un croissant de deux sous à trois heures, réglait beaucoup de papier jaunâtre. Celui-ci devait demeurer dans les lointains d’un Vaugirard ou d’un Vanves quelconque, être marié et mal à l’aise dans son ménage. Il sortait furtivement, dans la journée, revenait parfois avec un petit paquet qui semblait contenir des chaussures d’enfants, et il recevait des lettres à son bureau.

L’autre, plus jeune, arrivait tard, une serviette de chagrin sous le bras, s’asseyait, morose et grognon, se barricadait derrière des monceaux entassés de liasses,