Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/16

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aux barriques numérotées, aux carrioles bondées de tuyaux et de pompes, passa, nauséabonde, dans un sourd roulement.

Le bruit devenait plus confus et plus faible. L’on entendit encore le sautillement grêle d’un fiacre qui parut, les feux allumés, le cocher endormi sous son chapeau de cuir bouilli blanc pareil à un seau de toilette, le menton dans le cou, le fouet au repos, les rosses exténuées, trébuchant, faisant cahoter la guimbarde sur la chaussée, puis le bruit s’effaça, le vacarme des volets qu’on pose s’éteignit, le quartier s’endormait, tout se tut. Cyprien continuait à rognonner dans sa barbe ; il s’exaspérait de plus en plus, après la soirée qu’il avait subie. Il attaquait les boissons, les femmes, prétendait que le punch avait été acheté, tout fait, chez un épicier et coupé d’eau pour le désinfecter ; il niait le charme des fillettes tapotant de la musique ou becquetant des glaces, il se moquait du maître de la maison, debout, près du piano, chargé d’exécuter des sourires et il reprenait :

— Ah ! elles sont jolies les soirées de ton oncle ! Une vraie bousculade de salle à bagages ! Il n’y a que les gens qui graissent les cartes qui aient le droit de s’asseoir ! Et ils sont là, avec des têtes dont les cheveux ont fui, des compresses blanches autour du cou, des ventres enflés, sanglés dans des pantalons tendus, retenant les envois d’un digestion pénible ! Et le salon, avec sa tapisserie de vieilles dames qui dorment le long d’un mur ou jacassent le nez sur un verre, et