Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/22

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On sentait, dans la pièce, une déroute effroyable, une panique immense. L’homme ne bougeait, respirant à peine, la femme frissonnait, éperdue, appuyée sur le bord du lit, les, jambes et les seins à l’air, la main, droite pendante, la gauche cramponnée au drap.

Tous restaient immobiles, muets. Alors dans le grand silence de la chambre, la main d’André, tenant la bougie, trembla et la bobèche tapant la plate-forme de cuivre tinta doucement.

Ce léger bruit sembla secouer la stupeur accablée de la femme ; elle eut un long soupir, voulut parler, chercha sa salive, n’en trouva pas, remonta sa chemise, cacha sa gorge.

André avait déposé le flambeau sur une table ; il semblait indécis, se promenait de long en large, s’arrêtait crispé, blême, dévisageant sa femme. Le bruit plus vif, plus amorti de ses pas, selon qu’il se rapprochait, marchant sur le plancher ou s’éloignait, foulant un tapis, s’entendait seul.

Un filet de vent venait d’une croisée poussée contre et faisait fignoler et couler la bougie. Une azalée, dans un cache-pot de faïence, se défleurait, éparpillant goutte à goutte sur les bouquets réséda d’une carpette ses pétales tachés de sang ; un jupon, jeté sur le dos d’une chaise, descendit lentement, s’étala ainsi qu’une mare blanche sur le parquet. Une odeur pénétrante de femme dont les bras sont nus emplissait la pièce, une bouffée très fine de frangipane vint s’y mêler, évoquant les soins discrets des toilettes galantes, les luxes, perdus depuis le mariage