Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/220

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— Ah ! ma pauvre Jeanne, y a-t-il assez longtemps que nous ne nous sommes vus ! Ma foi, je suis joliment content de te revoir.

Elle aussi sourit et s’affirma heureuse de leur rencontre.

Ils gardèrent, une minute, le silence, ayant tous les deux sur les lèvres des questions plus expansives, plus pressantes, mais la présence d’un tiers les gênait.

Le garçon apporta les grives.

Elles s’escrimèrent à coups de couteau sur la carcasse faisandée de ces bêtes. André se recula un peu car ce fumet lui retournait le cœur. Les deux femmes n’eurent pas le courage d’avaler cette pourriture et elles appelèrent le garçon qui vanta le gibier très avancé, sans convaincre personne, et conseilla à ces dames un veau maigre. – Elles acceptèrent ; il disparut comme un coup de vent et rapporta presque aussitôt une tranche d’une viande blanche et molle. La veuve se récria, devant la seule part couchée sur l’assiette, mais Jeanne dit, un peu rouge : bah ! va, mangeons toujours, nous verrons après.

Le garçon souriait, encore ébahi ; André ne douta plus que les deux amies n’eussent l’habitude de se partager entre elles une seule portion et il demeura gêné de les voir consommer, en son honneur, des nourritures aussi considérables et aussi choisies.

Il souhaitait ardemment avec cela la fin du repas, espérant que la veuve Laveau partirait et qu’il serait seul