Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/255

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le dos. Avec cela, Mélanie arrive toujours quand on voudrait s’embrasser ; on n’est pas libre, on ne peut plus causer ; tu sais, tu auras beau dire, on n’est plus chez soi.

André jugea prudent de garder le silence. Jeanne, du reste, emporta les plats, débarrassa la table, la repoussa dans un coin et se mit en devoir de moudre le café. André s’offrit à exécuter ce travail facile et tandis qu’elle apportait les cuillers et les tasses, il tourna maladroitement la manivelle, entre ses genoux, surpris, malgré tout, que l’appareil ne broyât pas les grains plus vite.

Jeanne haussa les épaules, lui reprit le moulin et acheva prestement l’ouvrage. Assis, l’un à côté de l’autre, les pieds sur le garde-feu, ils causèrent à l’aventure ; la conversation languissait, ne touchant qu’à des choses futiles, rasant des sujets indéterminés. Comme ces peluches qui volent au hasard jusqu’à ce qu’elles s’arrêtent, à un endroit, leurs paroles, après avoir d’abord frôlé le sujet des robes amené par la jupe de Jeanne qui s’était graissée en desservant, se posèrent sur le magasin où elle travaillait.

Alors, elle exprima le mépris qu’elle et les autres ouvrières ressentaient pour les filles-mannequins qui se promènent sur du parquet luisant, dans des robes prêtées. C’étaient des grues journellement enlevées des salons d’essayage par les riches acheteurs pour l’étranger, des rien-de-propre en un mot.