Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/302

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n’avait plus ces préoccupations de jeunes hommes qui cherchent une maîtresse avenante ou jolie pour la montrer aux autres ; sa grosse taille, sa tournure populacière, ses quelques penchants à lever le coude et à siroter de petits vermouths entre les repas, la rendaient impossible à placer chez ces gens qui, épris de distinction et possédés par un idéal de femme frêle, sans infirmités de nature, éprouvent le besoin de s’enquérir du passé de leur maîtresse, l’obligent à leur dégoiser des blagues pour se monter à eux-mêmes le coup et l’abandonnent, en fin de compte, parce, qu’ils en ont rencontré une autre dont la robe est plus élégante et le teint mieux fait.

Cyprien lui apparut comme un galopin usé avant l’âge, comme un malade qui désirait seulement, dans le lit, être bordé, et elle s’attacha à lui, rêvant de devenir simplement sa bonne, mais une bonne avec qui l’on cause familièrement et à qui l’on envoie de temps à autre, par amitié, de petites tapes sur le derrière.

Puis, à ce bon enfant, à cette douceur d’une fille qui a été constamment dupée par les hommes sans leur en garder pour cela rancune, une idée bien peuple se joignait. Vigoureusement reintée et pétant d’embonpoint, Mélie ressentait une certaine compassion pour la maigreur délicate du peintre. « Faudra que je l’engraisse » , se disait-elle souvent ; et elle s’inquiétait de lui comme d’un marmot à qui l’on essuie le front quand il a couru. Elle vérifiait, lorsqu’il s’apprêtait à