Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/308

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Les sorties mesurées de cette femme continuèrent sans qu’elle les expliquât et sans qu’il eût le courage de l’interroger. Une sourde inquiétude le tortura, à la longue, pourtant ; il craignit des exigences de la part des personnes qu’elle allait voir, il appréhenda une rupture imposée, un abandon.

L’idée qu’il pourrait rester privé de soins maintenant, l’affola ; il se vit, seul, pendant la nuit, s’agitant, battu par la fièvre, excédé par des cauchemars, suant sur son traversin, attendant l’arrivée du jour comme une délivrance.

Il ruminait ces pensées, dans ces états de vague somnolence où l’esprit engourdi continue néanmoins sa course. Une recrudescence de maladie acheva de l’atterrer. Alors, tout endolori, ne disant plus rien, il songea longuement aux épouvantes d’une catastrophe, aux agonies solitaires, aux morts lamentables des galeux et des parias. Cette perspective de crever misérablement, dans une chambre, la porte laissée entrouverte par la garde partie, tandis que les locataires passent en chantonnant dans l’escalier, s’implanta, poussée dans son cerveau, rivée par les souffrances qui l’assaillaient. Une peur terrible, une de ces paniques qu’on ne raisonne pas, le saisit ; il claquait des dents sous ses couvertures, il fut sur le point de supplier Mélie, ce jour-là, de ne pas descendre.

Puis, il n’osa. – Une perception brusque de sa situation lui apparut ; ses rentes mangées par les femmes n’étaient plus, et les quelques bribes échappées à ses défaites allaient disparaître, emportées par le courant