Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/348

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— Tu es bien logé, murmura-t-elle, en entrant dans le cabinet de toilette.

Sans motif, sans qu’aucune filiation d’idées se fût produite, André revit tout à coup la chambre à coucher de son ancien ménage, l’affront qu’il avait subi, et bien que sa colère fût depuis longtemps épuisée, mû par un sentiment de rancune puérile, par la pensée d’une mesquine vengeance, née d’un souvenir gardé sans motif plutôt qu’un autre de son ancienne liaison, il entoura la taille de Berthe comme il avait jadis entouré celle de Jeanne, et il embrassa sa femme devant la glace, au-dessus du pot à l’eau, se croyant peut-être homme fort, sceptique, effaçant à coup sûr un reste d’offense, en égalant ainsi sa femme à une maîtresse, en les rapprochant, en les mettant sur le même niveau, sur le même plan.

Mais Berthe se dégagea et passa avec autorité dans la cuisine, se sentant maintenant chez elle, et elle contempla les culs étincelants des casseroles, brillantes comme des soleils, le bonnet de tulle noir, à brides vert pomme pendant sur l’ocre des murs, disant : mais c’est très propre !

— Tiens, donne-moi les ciseaux à lampe, reprit-elle, je vais couper la mèche.

Ils les cherchèrent vainement.

Dans cette pièce, grande comme un mouchoir, et qu’elle emplissait de ses jupes, ils se pressèrent, l’un contre l’autre, devant le buffet, découvrant des mèches à lampe et des gousses d’ail, pêle-mêle dans une tasse, des croûtons de pain dur sur un plat, du beurre