Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/70

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bras de Cyprien et, ragaillardi, il lui disait :

— Ouf ! je respire ! j’entrevois la côte. Dans une huitaine, je serai presque réinstallé. J’ai, cette fois, des atouts dans mon jeu. – Le feu et la lampe allumés, les vêtements brossés et recousus, le dîner prêt à l’heure et mangé, les pieds dans mes plantoufles, je vais donc avoir tout cela à des égards en plus pour mes trente-cinq francs par mois ; je suis sauvé !

— Le rêve, quoi ! conclut Cyprien. Le confortable du mariage avec la femme en moins ! – une soirée, perdue par semaine, au plus, pour les clowneries sensuelles ; les autres jours, du silence et du bien-être, de l’amour pas encombrant et du travail abattu en masse. Seulement, attention, hein ? Pas de blagues, ma vieille ! Te voilà dans le train, ne descends pas aux stations, t’y trouverais des concubines en gare !

— Oh ! quant à ça, tu n’as rien a craindre pour moi, merci, j’ai reçu mon compte…

— On ne sait pas, murmura le peintre, ce Paris, c’est si troublant avec son obscène candeur des pubertés qui poussent, son hystérie sympathique des femmes de quarante ans, son vice compliqué des bourgeoises plus mûres ! Ah ! C’est du gingembre auquel on a bien envie de goûter ! Ensuite, vois-tu, on a beau les avoir muselées, toutes les vielles passions qu’on n’a pu placer, se lèvent et aboient quand un jupon passe ! Attention, attention, mon pauvre vieux, tenons-nous bien, va ; serrons-nous, l’un contre l’autre.