Page:Huysmans - En rade.djvu/159

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qu’elle s’était aperçue des manigances de Norine et de l’oncle. Autrefois, elle aurait ri.

Il est vrai qu’aujourd’hui nous sommes pauvres et qu’elle a raison de défendre notre bien ; mais cette réflexion ne le convainquit point. Il sentait un je ne sais quoi de nouveau s’insinuer entre eux, un essai de défiance et de rancune ; mais elle est malade, se cria-t-il, et cette autre réflexion ne le rassura point. Non, il y avait quelque chose de particulier, une nouvelle période d’âme ; d’une part, une impatience qu’il ne lui connaissait pas et, de l’autre, une tentative de volonté, enveloppée dans de vagues reproches, une sorte de réaction contre son rôle jusqu’alors réduit dans le ménage, une réaction qui impliquait forcément du dédain pour l’homme et une certaine confiance vaniteuse en soi.

On n’est pas seulement lâché par les indifférents et les camarades quand on tombe dans la misère, se dit-il amèrement, l’on est même abandonné par ses plus proches ; puis il sourit, se rendant compte de la banalité de cette observation.

Que faire ? se dit-il, tergiverser avec ma femme et ménager les vieux, car autrement la vie ne serait pas tenable. Et il eut, en effet, besoin de poser des tampons pour amortir, de temps en temps, les chocs.