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Page:Huysmans - En rade.djvu/172

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vie de songes qui s’était, depuis son arrivée à Lourps, si singulièrement accrue. Il dormait maintenant sans aucun trouble ; par-ci, par-là, il se sentait errer encore sur la frontière du rêve, mais, de même qu’à Paris autrefois, il ne conservait, en se réveillant, aucun souvenir de ces vagabondages sur les territoires du délire, ou bien il ne se rappelait que des débris d’incursions, dénués de sens.

L’ennui commençait à rompre cette sérénité animale. La veille, déjà, il avait flotté pendant son sommeil, au milieu d’événements incohérents et vides. Il se souvenait seulement d’avoir rêvé, mais sans pouvoir rajuster les linéaments d’un songe dispersés dès l’aube ; et maintenant, cette nuit, irrité par le feu de sa peau, énervé par les souffrances, il était repris par la peur, une peur mystérieuse, impulsive, une sorte de rêve éveillé, dont les images se recouvraient les unes les autres, se brouillaient tant elles allaient vite, une peur dont la parenté avec les affres d’un songe semblait certaine. Ces bruits oubliés du château, il les entendait actuellement, avec une certitude absolue, intense.

Le terre-à-terre de l’âme, l’inertie de l’esprit qui sont les causes les plus décisives de la bravoure, car le courage de l’homme mis en face d’un péril tient presque toujours à une grossièreté