Page:Huysmans - En rade.djvu/177

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Enfin le château se révéla terrible. La pluie entra de toutes parts, les chambres suèrent ; la nourriture resserrée dans les placards moisit et une odeur de vase souffla dans l’escalier en larmes.

Constamment, Jacques et Louise sentirent se poser sur leur dos une chape humide et, le soir, ils pénétrèrent, en grelottant, dans un lit dont les draps paraissaient trempés.

Ils allumèrent des bourrées et des pommes de pins, mais la cheminée, sans doute décapitée, en haut du toit, ne tirait guère.

La vie fut insupportable dans cette glacière ; Louise, mal en train, se leva juste pour préparer le manger et se recoucha. Jacques erra, désorbité, par les pièces.

Il avait reçu quelques livres de son ami Moran, des livres préférés, odorants et aigus ; mais un singulier phénomène se produisit dès qu’il tenta de les relire ; ces phrases, qui le captivaient à Paris, se desserraient, s’effilochaient à la campagne ; enlevée de son milieu, la littérature capiteuse s’éventait ; la venaison se décolorait, perdait le violet et le vert de ses sucs ; les périodes sanglières s’apprivoisaient et puaient le saindoux ; les idées obtenues après de sévères tries, blessaient telles que des notes fausses. Positivement, l’atmosphère de Lourps changeait les points de vue, émoussait le