Page:Huysmans - En rade.djvu/213

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de l’une des tours de Saint-Sulpice ; mais quelle femme ! une guenipe sordide, qui riait d’une façon crapuleuse et goguenarde, un torchon coiffé en paquet d’échalotes sur le haut de la tête, les cheveux en flammes sur le front, les yeux liquides, capotés de bourses, le nez sans racine, écrasé du bout, la gueule gâchée, dépeuplée sur l’avant, cariée sur l’arrière, barrée comme celle d’un clown, de deux traits de sang.

Elle tenait tout à la fois de la fille à soldats et de la rempailleuse et elle rigolait, tapait du talon la tour, faisait de l’œil au ciel, tendait, au-dessus de la place, les besaces de ses vieux seins, les volets mal clos de sa bedaine, les outres rugueuses de ses vastes cuisses entre lesquelles s’épanouissait la touffe sèche d’un varech à matelas ignoble !

Qu’est cela ? se demanda Jacques effaré. Puis, il se remit, tenta de se raisonner, parvint à se persuader que cette tour était un puits, un puits se dressant en l’air au lieu de s’enfoncer dans le sol ; mais enfin un puits ; un seau de bois cerclé de fer posé sur la margelle l’attestait du reste ; alors tout s’expliquait ; cette abominable gaupe, c’était la Vérité.

Comme elle était avachie ! il est vrai que les hommes se la repassent depuis tant de siècles ! au fait, quoi d’étonnant ? la Vérité n’est-elle pas la