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Page:Huysmans - En rade.djvu/33

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d’un violet bleu, ocellée comme une queue de paon, tachetée d’yeux aux pupilles de saphir montées dans des prunelles en satin d’argent.

Elle était petite, à peine développée, presque garçonnière, un tantinet dodue, très amenuisée, toute frêle ; ses yeux bleu flore étaient reculés vers les tempes par des tirets de teinture lilas et estompés en dessous pour les faire fuir ; ses lèvres fardées crépitaient dans une pâleur surhumaine, dans une pâleur définitive acquise par un décolorement voulu du teint ; et la mystérieuse odeur qui émanait d’elle, une odeur aux âmes liées et discernables, expliquait ce blanc subterfuge par les pouvoirs des parfums de décomposer les pigments de la peau et d’altérer pour jamais le tissu du derme.

Cette odeur flottait autour d’elle, l’auréolait, pour ainsi dire, d’un halo d’aromes, s’évaporait de sa chair par bouffées tantôt agiles et tantôt lourdes.

Sur une première couche de myrrhe, au relent résineux et brusque, aux effluences amères presque hargneuses, à la senteur noire, une huile de cédrat s’était posée, impatiente et fraîche, un parfum vert, qu’arrêtait la solennelle essence du baume de Judée dont la nuance fauve dominait, à son tour contenue, comme asservie, par les rouges émanations de l’oliban.