Page:Huysmans - En rade.djvu/90

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assoupies de syncope, dans d’inertes impressions de vague ; mais si la tiédeur des matins agissait sur lui comme un remède parégorique, comme un calmant, le deuil refroidi du crépuscule dispersait, de même qu’au premier jour, cette tranquillité qui faisait place à d’incertains malaises et à d’imperturbables et confuses transes.

Ce soir-là, après le dîner, il était descendu avec sa femme dans la cour du château et, assis sur des pliants, ils regardaient, silencieux, le jardin fatigué se ramasser sur lui-même et s’endormir ; et, bien qu’il éprouvât encore cette évagation qui détachait son esprit de l’idée sur laquelle il le voulait fixer, il sentait sourdre dans cet automne d’âme les mystérieuses humiliations de la peur. Il contempla Louise. Mon Dieu ! qu’elle était pâle ! Il eut un frisson, car ces traits cernés décelaient la marche continue de la névrose, et il redouta les prochaines attaques de l’indomptable mal, dans l’isolement de cette ruine.

Et ce mal-être presque douillet qui résulte de l’impuissance à se commander, se changea, chez Jacques, en de nettes inquiétudes ; son esprit disséminé se rassembla sur sa situation et sur celle de Louise. Il recula dans ses souvenirs, remonta dans sa vie, se rappela les bonnes années qu’ils avaient égrenées ensemble. Il avait fallu pour