Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/109

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la chapelle de la Vierge qui était presque vide à cette heure.

Il ne se sentait aucun désir de prier, restait là, regardant cette grande rotonde de marbre et d’or, cette scène de théâtre où, seule éclairée, la Vierge s’avance au-devant des fidèles comme du fond d’un décor de grotte, sur des nuées de plâtre.

Deux petites sœurs des Pauvres vinrent, sur ces entrefaites, s’agenouiller non loin de lui et se recueillirent, la tête entre les mains.

Il se prit à rêvasser en les regardant.

Elles sont enviables, se dit-il, ces âmes qui peuvent s’abstraire ainsi dans l’oraison ; comment font-elles, car enfin ce n’est pas aisé, lorsque l’on songe aux misères de ce monde, d’aduler la miséricorde si vantée d’un Dieu ? On a beau croire qu’il existe, être certain qu’il est bon, on ne le connaît pas, en somme, on l’ignore ; Il est, et en effet, il ne peut être qu’immanent et permanent, inaccessible. Il est on ne sait quoi et l’on sait tout au plus ce qu’il n’est point. Essayez de vous l’imaginer et aussitôt le bon sens chavire, car il est au-dessus, au dehors, au dedans de chacun de nous. Il est trois et il est un, il est chaque et il est tout ; il est sans commencement et il sera sans fin ; il est surtout et à jamais incompréhensible. Si l’on tente de se le figurer, de lui attribuer une enveloppe humaine, on aboutit à la naïve conception des premiers âges ; on se le représente sous les traits d’un ancêtre, d’un vieux modèle italien, d’un papa Tourguéneff à longue barbe et l’on ne peut s’empêcher de sourire, tant ce portrait de Dieu le Père est enfantin !