Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/120

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

léthargise de telle sorte qu’elle ne puisse plus former d’images, que l’on claquemure ses sens, que l’on anéantisse ses facultés. Il veut que celui qui convoite de s’unir à Dieu se mette comme sous une cloche pneumatique et fasse le vide en lui, afin que, s’il le désire, le Pèlerin puisse y descendre et achever lui-même de l’épurer, en arrachant les restes des péchés, en extirpant les derniers résidus des vices !

Et alors les souffrances que l’âme endure dépassent les limites du possible ; elle gît perdue en de pleines ténèbres, elle tombe de découragement et de fatigue, se croit pour toujours abandonnée de Celui qu’elle implore et qui se cache maintenant et ne lui répond plus ; bien heureuse encore lorsqu’à cette agonie ne viennent pas se joindre les affres charnelles et cet esprit abominable qu’Isaïe appelle l’esprit de Vertige et qui n’est autre que la maladie du scrupule poussé à l’état aigu !

Saint Jean vous fait frissonner quand il s’écrie que cette nuit de l’âme est amère et terrible, que l’être qui la subit est plongé vivant dans les enfers ! — mais quand le vieil homme est émondé, quand il est raclé sur toutes les coutures, sarclé sur toutes les faces, la lumière jaillit et Dieu paraît. Alors l’âme se jette, ainsi qu’une enfant, dans ses bras et l’incompréhensible fusion s’opère.

Vous le voyez, saint Jean fore plus profondément que les autres le tréfonds du début mystique. Lui aussi traite comme Sainte Térèse, comme Ruysbroeck, des noces spirituelles, de l’influx de la grâce et de ses dons, mais, le premier, il ose décrire